Un article de Delphine Barrais le Mercredi 18 Janvier 2023 pour Tahiti infos

TAHITI, le 18 janvier 2023 – Qualifié pour la finale internationale du concours Jeunes Talents Escoffier, Thomas Teikitohe a repris le chemin de l’école au lycée hôtelier de Punaauia. Il s’illustre dans l’art du service de table. Originaire d’une vallée de Nuku Hiva, il apporte la preuve qu’il faut oser voir grand, qu’il faut essayer pour réussir.

“Félicitations à Tahiti qui remporte la compétition Asie-Pacifique pour les métiers du service ! Un jeune de grand talent qui s’est fait remarquer par la qualité de son travail !”, a salué Guillaume Gomez, le chef de cuisine de l’Élysée sur ses réseaux sociaux en novembre. Ces mots s’adressaient à Thomas Teikitohe qui a remporté pour la partie service le championnat Asie-Pacifique du concours de cuisine et service des Jeunes Talents Escoffier organisé à Bali.

Thomas Teikitohe

Initié par les disciples Escoffier et dans une démarche d’accompagnement, de transmission et d’échange, le concours international Jeunes Talents Escoffier souhaite mettre en avant la jeunesse (concours accessible uniquement jusqu’à 25 ans). Il se distingue par sa diversité avec une catégorie cuisine et une catégorie service qui propose en binôme leur savoir-faire. Ce concours a su convaincre les grands noms de la Gastronomie et de la salle tout comme les professionnels.

Thomas Tekitohe est sélectionné pour la finale internationale du concours qui aura lieu en 2024. En attendant, “on fait une pause bien méritée”, indique Audrey Ruiz, sa coach. L’étudiant a donc repris le chemin de l’école. Il se concentre sur ses études après une fin d’année 2022 intense physiquement, moralement et émotionnellement. Il est en première année de BTS management, hôtellerie et restauration au lycée hôtelier de Punaauia.

Thomas Teikitohe est né aux Marquises à Nuku Hiva en 2004. Il a grandi dans la vallée de Taipivai où vit toujours sa famille. Il est allé à l’école primaire sur son île puis a pris la direction de Hiva Oa à la fin du CM2. Sa mère était allée au collège privé de Atuona, cela semblait naturel qu’il fasse de même, qu’il puisse avoir une “bonne éducation”. “C’était la toute première fois que je quittais mes parents et la séparation a été vraiment très difficile pour moi comme pour eux”, admet Thomas Teikitohe. Il lui a fallu plusieurs semaines pour s’adapter même si, “je n’étais pas seul, heureusement. J’avais des amis, mais je ne connaissais personne d’autre que mes camarades à Hiva Oa, je n’avais pas de famille sur place”. Pas encore du moins, car il a réussi à se faire une famille de cœur pendant son cursus.
L’année s’est écoulée. Le collégien rentrait chez lui lors des vacances scolaires qui duraient au moins deux semaines. Il restait à l’internat lors des congés plus courts. “On était occupé, on allait à la mer, on pouvait visiter des vallées, découvrir l’histoire de certains lieux, aller voir des marae.”
Pendant ses quatre années de collège, Thomas Teikitohe dit ne pas avoir eu d’idées très précises d’orientation. “J’ai pensé un moment vouloir devenir steward pour découvrir d’autres pays, voyager.” Mais rien n’était vraiment arrêté. En troisième, il a fait un stage d’orientation dans un hôtel de Hiva Oa. “C’est là qu’est née cette envie d’être au contact des clients, de servir les autres.” Son parcours professionnel a commencé à se dessiner à ce moment-là. Il s’est inscrit au lycée hôtelier de Punaauia pour “approfondir ses connaissances”.

Le départ a été moins difficile à vivre que celui vécu quelques années plus tôt pour entrer au collège. “J’avais une certaine habitude de l’éloignement, j’étais déjà venu à Tahiti avec ma maman.” Il s’est inscrit en première année Sciences et technologie de l’hôtellerie et de la restauration. Il a pu “toucher à tout”, à l’hébergement, la cuisine, la salle. Cette filière forme les étudiants à devenir de futurs managers, ils apprennent des gestes techniques mais sont surtout sensibilisés à l’accueil, à l’aspect humain du métier. “Cela va au-delà de la partie pratique, il y a de véritables réflexions sur la vente, les mises en place”, complète Audrey Ruiz pour décrire la formation.

“C’est vraiment l’année suivante que j’ai commencé à aimer le service”, raconte Thomas Teikitohe. C’est-à-dire lors de la 2e année. Il se souvient en particulier de l’une de ses enseignantes, Mélanie Natua, dont les méthodes lui ont vraiment donner envie d’aller plus loin. Alors qu’il était en troisième année, un concours s’est présenté. Il s’agissait de l’étape polynésienne du concours Jeunes Talents Escoffiers. “Au début, je me suis inscrit pour le plaisir, pour approfondir mes connaissances”, avoue-t-il. Il a répondu à la demande d’un camarade, Jean-Gabriel Tata, car il fallait se présenter en binôme. Jean-Gabriel, inscrit en cuisine, cherchait à former un duo pour pouvoir participer. “Je suis allé voir madame Ruiz pour préparer les épreuves, nous ne nous connaissions pas.” Mais “on a accroché tout de suite”, précise la coach, toujours enthousiaste et ravie de l’histoire qui s’écrit. Le concours a eu lieu le 15 janvier 2022. Trois binômes polynésiens se sont affrontés en vue de la finale de la zone Asie-Pacifique prévue à Bali le 10 novembre. Le duo Jean-Gabriel Tata pour la partie cuisine et Thomas Teikitohe pour le service l’a emporté.
L’entraînement pour les épreuves régionales a vraiment démarré deux mois avant le départ pour Bali. “Cela a été très intense”, affirme Audrey Ruiz, “je sais que je lui en ai beaucoup demandé”. Thomas Teikitohe a travaillé sans relâche, en semaine, en soirée, les week-ends, vacances et jours fériés. “On a tenu le rythme jusqu’au jour J. À Bali on a continué à répéter.”

Pour la partie service, cinq épreuves attendaient les candidats : le dressage d’une table en respectant le thème Prestige summer beach, la reconnaissance de deux vins de Bali, la reconnaissance d’un alcool, la préparation d’un carpaccio de bonite en forme de rosace et la réalisation d’un service complet avec accueil des clients, annonce du menu, présentation des plats, découpe d’un canard et flambage de crêpes. Ils étaient trois à se présenter : Tahiti, la Nouvelle-Calédonie et Singapour. La délégation polynésienne est arrivée à Bali le 5 novembre, le temps de prendre ses marques. Les épreuves, étalées sur 3 heures de temps, ont eu lieu le 10. “On venait de loin, plus le concours approchait, et plus j’étais stressé, plus je me demandais si j’allais être à la hauteur.” Finalement, tout s’est bien passé.

Une ouverture sur l’international

Le concours a permis à Thomas Teikitohe de tisser des liens. “L’esprit Escoffier c’est d’abord d’être une grande famille.” Localement, il est sollicité. Il fait des extras au restaurant Le Lotus. Des portes se sont ouvertes à l’international au Vietnam, au Canada… L’étudiant a jeté son dévolu sur un établissement du Québec, un manoir renommé, pour son stage qui aura lieu en mars. C’est la première fois qu’un étudiant du lycée de Punaauia partira là-bas. C’est sans doute le début d’un échange.

Les épreuves internationales du concours Jeunes Talents Escoffier auront lieu en France ou en Italie en 2024. “On attend de connaître la date, le lieu et le sujet pour organiser les entraînements. Là, ce sera un autre niveau”, indique Audrey Ruiz. Mais elle sait que Thomas Teikitohe sera à la hauteur. “On a encore beaucoup à faire, mais on a une bonne base. Thomas a le genre de profil pour réussir.” Il est persévérant, motivé, volontaire, il fait preuve d’une indispensable humilité pour progresser. “Ce que j’aime, c’est voir les gens heureux, entendre que je fais du bon travail, d’être au contact des clients.” Il sait gérer la pression et le stress. Sa famille, qui n’a pas compris mes choix d’orientation, puis tous les enjeux du concours au début, est aujourd’hui extrêmement fière.

Le lycée hôtelier aussi se réjouit de la réussite de Thomas Teikitohe. Certains élèves prennent exemple. “Cela a entraîné une vraie émulation dans l’établissement. On ne s’attendait pas à cela. Une dizaine d’élèves depuis est venue me voir pour préparer des concours !”, rapporte Audrey Ruiz. “Mais je ne peux pas m’engager par ailleurs, on va d’abord terminer ce que l’on a commencé avec Thomas.”

Pour conclure, Thomas Teikitohe rappelle qu’il vient des Marquises, “d’une vallée dans une petite île”. De là-bas, “on ne se voit pas un jour arriver à un tel concours”. Et pourtant. “On peut partir de rien et arriver à quelque chose de grand !” Thomas Teikitohe Adams et Audrey Ruiz se sont donné du mal. Les efforts ont payé. Et ensuite ? “Je ne sais pas encore précisément, tout dépendra des stages. Mais j’aimerais découvrir d’autres horizons, aller voir ailleurs.”

Catégories : Concours

Gil Galasso

Référent numérique Lycée Hôtelier de Tahiti

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